Le trésor caché de Caravage

Nous avons organisé grâce à Monsieur Turquin et le soutien de Madame de Lencquesaing, dans l'hôtel particulier du cabinet Turquin, célèbre en expertise de tableaux du XVIIè et XVIIIème siècle, deux visites exceptionnelles du fameux tableau du Caravage. 

Pour mémoire, en 2014, une fuite d'eau dans une maison toulousaine permet de découvrir un grenier scellé depuis près de 150 ans. Entre deux matelas, un membre de la famille découvre une grande toile. Avisé, il fait appel à un commissaire priseur de la région pour la lui montrer. La toile représente une scène biblique fameuse de Judith qui tue Holopherne. Une copie - reconnue comme telle et attribuée à Louis Finson - se trouve à Naples. Le commissaire priseur contacte son ami parisien Eric Turquin, fondateur du bureau d'expertise éponyme, spécialisé dans les tableaux à l'huile de 1350 à 1900. 

C'est alors que l'aventure démarre : est-ce l'original de Caravage disparu depuis le 17ème siècle ?!

On connait à Caravage (1571-1610) 65 tableaux dans sa vie, la découverte d'originaux est évidemment un événement majeur sur le marché ! Après 18 mois d'analyse pour s'assurer de l'authenticité de la merveille et éviter des secousses médiatiques inutiles, Monsieur Turquin rend publique la trouvaille : Il s'agit bel et bien du Judith et Holopherne de Caravage !

Aujourd'hui en "quarantaine" dans un bel hôtel particulier de la rue Saint Anne, il a été classé trésor national par le Ministère de la Culture. Au termes de 30 mois (il en reste 6 aujourd'hui), un processus de vente pourra être lancé. L'estimation est de 120M€...que le meilleur gagne !​

Zeuxis présente le Caravage perdu

Le commissaire priseur Marc Labarbe et l'expert d'art Eric Turpin posant devant l'oeuvre

Le tableau a été expertisé par une cinquantaine de spécialistes du Caravage du monde entier, passé au rayon X pour y déceler ses secrets et fait l'objet de recherches historiques colossales (courrier, dépositions, etc) pour attester de son authenticité : une multitude d'indices poussent à la certifier, malgré quelques détracteurs qui la contestent.

1 - D'abord la composition et les caractéristiques du tableau, typique de Caravage. Dans les dix dernières années de sa vie, ombrageux et sanguin,  il révolutionne la peinture avec des éclairages violents et une façon de traiter les sujets de plus en plus "noire" et agressive (voir la différence entre les deux Judith et Holopherne peinte à 5 années d'intervalle  : la première plus aimable et en retenue et la seconde, plus brutale et entière, plus assumée en fait !)

2 - Ensuite la documentation retrouvée (courrier et testament) qui permet de retrouver la description d'un tableau de Judith et Holopherne avec "3 figures vues à mi corps" pour une pièce de chambre. 

3 - Il y a déjà eu 3 tableaux de Caravage historiquement retrouvés à Toulouse.

4 - L'analyse du tableau laisse découvrir des "sous couches", des premiers dessins, des doigts déplacés par le peintre notamment. Les mêmes que dans la copie de Finson, ce qui témoignent bien du fait que les tableaux ont été réalisés en même temps.

Grâce à l'enthousiasme (contagieux) de Monsieur Turquin, on en apprend également sur l'artiste et le personnage. Personnage ombrageux, qui ne parlait pas et n'écrivait pas sur sa peinture, il était en revanche connu pour son goût pour le combat et son agressivité, jusqu'à tuer en 1609.  Si la personne est donc controversée, sa peinture est admirée, respectée et adoubée (il obtient même la grâce papale à plusieurs reprises après ses assassinats). Et il vend sa peinture à des prix astronomique à son époque : l'équivalent d'un million d'euros aujourd'hui ! Sa carrière initiale était classique, avec une peinture sage et lisse, proche de Poussin, et c'est dans les dix dernières années de sa vie qu'il devient vraiment Caravage. Il a inventé un vocabulaire pictural révolutionnaire à l'époque avec des sujets sinistres, des couleurs foncées, des sujets percutants et un éclairage complètement novateur ("un peu comme au cinéma" comme explique Eric). Pour la petite anecdote, en écho à cette "invention de la lumière" et son caractère capricieux : il aurait creusé le plafond de chez lui pour avoir la lumière zénithale (la copropriété était ravie). 

L'artiste et sa peinture passe à la trappe pendant 300 ans - sa peinture ne plaisait pas - jusqu'en 1959 où le génie est redécouvert à la suite d'une exposition qui lui est dédiée. 

​Quelques mots sur le thème du tableau

Le tableau décrit un texte biblique du livre de Judith (ivre deutérocanonique de la Bible). En 800 avant JC, Judith est une jeune veuve de Betuli​, assiégée par Holopherne. Alors que la ville, à bout, est prête à se rendre à l'ennemi, Judith souhaite rester fidèle à l'alliance avec Dieu. Un consensus se met en place : ils décideront de se rendre si aucun signe de Dieu n'est donné dans les 5 prochains jours. 

​Judith, très belle, décide alors de séduire ​les sentinelles, puis ​les offici​er​s​, pour enfin avoir accès à Holopherne. ​

Après 3 jours de séduction, Holopherne propose d'organiser un banquet pour célébrer l'arrivée de la belle Judith. À la fin d'une soirée festive, il s'endort ivre dans sa chambre où Judith est conviée et cette dernière en profite pour lui trancher la gorge de deux coups d'épée...

Zeuxis présente le Caravage perdu
La première version
Zeuxis présente le Caravage perdu
La deuxième version (tableau retrouvé)